"Malgré les grands progrés que je fais en allemand, il est clair que j'y suis venu trop tard, et que je ne parlerai jamais cette langue comme le français. Je ne le regrette pas trop". Michel Tournier, "Le Roi des Aulnes".

08 décembre 2006

Atouba, Hambourg et les supporters

L'affaire m'est venue aux oreilles hier après-midi, jeudi, par internet.
Un joueur du HSV, le club de football de Hambourg, aurait fait montre d'une certaine vulgarité envers les supporters présents mercredi soir lors du dernier match de Ligue des Champions contre le CSKA Moscou en levant le majeur à leur adresse. Le footballeur ayant eu l'idée de reproduire son geste à plusieurs reprises, celui a été capté par les photographes présents autour du terrain.
Les journaux allemands n'ont fait leur choux gras de l'épisode que ce matin, vendredi. La condamnation a été unanime. Le joueur a eu un comportement indigne et a mérité la sanction infligé par son club de deux matchs fermes de suspension. Welt Kompakt, que je découvre dans le train ce matin, et le Frankfurter Rundschau, journal plutôt d'inspiration libérale de gauche (je sens que je vais susciter un immense débat sur la notion de libéralisme de gauche...) se sont contentés de reprendre les dépêches de presse : Timothée Atouba s'est mal comporté mercredi soir. C'est une bien mauvause image du football qu'il montre là, le jeune garçon. Les deux quotidiens ne se privent pas par ailleurs de montrer Atouba "en pleine action".
Le quotidien L'Equipe, de l'autre côté du Rhin, nous raconte une toute autre histoire. Il est possible de se procurer l'édition du jour à la gare de Düsseldorf pour la modique somme de 2,00 euros, contre 0,80 euros en Métropole. C'est parfois rageant, vu l'épaisseur du canard certains jours.
L'Equipe donc donne sa version de l'affaire Atouba, en publiant une interview du joueur. La photo qui illustre l'article montre le joueur de Hambourg quelque peu désemparé, les bras à l'horizontal en signe d'interrogation. Un gros titre entre guillemets barre la page : "Une réaction à l'insupportable".
On apprend par le quotidien français que Timothée Atouba a été copieusement insulté par les supporters de son propre club durant tout le match en raison, semble-t-il, d'une prestation moyenne. Il parle de "cris, d'insultes". Il faut comprendre les imitations de cris de singe qui sont désormais monnaie courante dans certains Kops de supporters. Atouba explique même avoir été accroché par un de ses propres coéquipiers...
Le footballeur demande à sortir du terrain à la 69ème minute du match, ne pouvant plus continuer à jouer dans ses conditions. Son entraîneur refuse. Atouba ne céde pas. L'Equipe explique qu'il s'en prend alors violemment au staff de son équipe et aux fans qui l'insultent. Il est finalement expulsé du terrain... par l'arbitre. Le joueur d'origine camerounaise sera ensuite suspendu deux matchs par son propre club.
Morale de l'histoire (selon la presse française) ? C'est Atouba qui l'expose aux journalistes de L'Equipe : "... je suis suspendu deux matchs, décision prise par le directeur sportif ! Je lui ai dit que ce geste, c'était un signal d'alarme et qu'il doit tenter de le comprendre à défaut de l'excuser. En vous rangeant de cette manière du côté des fans, vous acceptez leur façon de s'exprimer. Dans l'avenir, vous n'allez plus engager de joueurs comme moi..."
Morale de l'histoire (selon la presse allemande) ? Ce sont les journalistes sportifs de Welt Kompakt qui nous la livre : "Die Undiszipliniertheit war für Atouba der Tiefpunkt eines Jahres, in dem er mehr Schlagzeilen durch Verletzungen und höhere Gehaltsforderungen machte als durch sportliche Taten". En traduction libre : "Cet acte indiscipliné a été pour Atouba le point d'orgue d'une année, durant laquelle ses blessures et ses exigences salariales ont plus souvent fait la une des journaux que ses exploits sportifs ".

Aucun commentaire: