"Malgré les grands progrés que je fais en allemand, il est clair que j'y suis venu trop tard, et que je ne parlerai jamais cette langue comme le français. Je ne le regrette pas trop". Michel Tournier, "Le Roi des Aulnes".

16 décembre 2006

La France a peur

Un ami anonyme s'alarmait récemment, au moyen d'un mail groupé, des difficultés du métier de journaliste en France. Pour étayer son propos, l'honnête homme nous invitait à visualiser une vidéo plutôt explicite. A voir au plus vite.
Le message de Thibaut m'a rappelé un article paru il y a quelques semaines dans le Süddeutsche Zeitung. Etant désabonné depuis plus d'un mois maintenant, j'ai retrouvé l'article en question dans un amas de vieux journaux entassés sous mon bureau. Celui-ci, sobrement intitulé "Ost-West-Verbreiterung" - ce qui pourrait signifier "Diffusion orientale et occidentale", voire "Elargissement Est-Ouest" - traite des projets du groupe Springer.
La France est concernée au premier rang puisque les éditions Springer envisagent très sérieusement de lancer une version française de BILD-Zeitung, leur produit phare ("Flaggschiff" auf deutsch) dès l'automne 2007. Les fonds auraient déjà été approuvés par la direction allemande et les résultats du numéro zéro du französisches Bild seraient plus qu'encourageant. Il ne manquerait plus que l'aval du Conseil de surveillance du Groupe pour concrétiser le projet.
L'article explique que le marché français est "schwierig" (difficile) et que le groupe a déjà tablé sur 60 millions d'euros de perte la première année. Il serait compliqué également de trouver des journalistes "appropriés" ("geeignete Journalisten"). En effet, Boulevard-Journalismus à la Bild gibt es in Frankreich nicht : la presse de boulevard façon Bild n'existe pas en France. Une aubaine pour Springer qui compte bien occuper le créneau. Son gérant à Paris, Rémy Dessarts deviendrait ainsi rédacteur en chef du futur journal et le numéro deux devrait être Dider Pourquery, débauché de chez Métro.
Une autre difficulté rencontrée par le groupe Springer resterait la question de la diffusion même du quotidien. La chaîne de distribution en France "est en effet dominée par le syndicat CGT, légèrement communiste sur les bords" ("Ein weiteres Grossproblem ist der monopolisierte Vertrieb, den die Kommunistisch angehauchte Gewerkschaft CGT dominiert"). Outre-Rhin, les valeurs communistes ne font pas tous les jours la une du Bild, il est vrai.
Reste le problème du titre.
"Bild Zeitung", c'est pas très vendeur, sauf à Strasbourg. Et encore.
Même si nous pouvons compter sur Rémy Dessarts et Dider Pourquery pour nous trouver, en germanistes avertis, la meilleure adaptation française, quelques suggestions peuvent être avantageusement avancées : "L'indécent", "Cynisme, sexe et capitalisme", "Beauf Zeitung", "Le magazine du gros nanar".
Je reconnais volontiers mon manque d'inspiration sur la question. Pour la suite, je vous renvoie à la version originale.

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