"Malgré les grands progrés que je fais en allemand, il est clair que j'y suis venu trop tard, et que je ne parlerai jamais cette langue comme le français. Je ne le regrette pas trop". Michel Tournier, "Le Roi des Aulnes".

07 octobre 2006

Un hôtel sans étoile à Delmenhorst

Les dernières élections régionales en Mecklenbourg-Vorpommern ont rappelé que tous les Allemands n'avaient pas eu l'opportunité de visiter Weimar, capitale culturelle européenne, ni du reste le camp de concentration situé à moins de 10km de là, un peu plus au nord-ouest.
Il a déjà été question ici de l'irruption aussi brutale qu'attendue de l'extrème droite sur le devant de la scène politique allemande lors du scrutin du Land de la Baltique. La presse nationale a parfaitement décrypté pendant l'été la montée du NPD, die Nationaldemokratische Partei Deutschland, soit le Parti national-démocratique d'Allemagne, créée en 1964. Elle tente désormais de comprendre pourquoi plus personne ne semble s'étonner de la présence de néonazis dans un parlement régional en Allemagne.
Il faudrait pourtant être aveugle pour ne pas voir le vrai visage de l'extrême-droite allemande. La méthode est connue et a déjà démontré son efficacité: occuper le terrain des anciens partis dits ouvriers. Le site web du NPD, aussi banal qu'effrayant, s'ouvre d'ailleurs sur des manifestants exigeant plus de Soziale Gerechtigkeit (justice sociale). Les couleurs blanche, rouge et noire sont là pour rassurer.
L'emprise des néonazis se fait désormais sentir à l'Ouest. L'épisode de l'hôtel de Delmenhorst vaut à ce titre d'être conté pour illustrer une certaine "Npdisation" des esprits allemands. Delmenhorst, commune de 80.000 habitants dans la banlieue de Brème, n'était pas particulièrement connue pour ses sympathies extrémistes quand Jürgen Rieger, avocat à Hambourg, décida de se porter acquéreur de l'hôtel "Am Stadtpark" plus ou moins abandonné depuis une année. Rien de bien anormal, me direz-vous, quand on connaît les fortunes personnelles des avocats... Sauf que Rieger est lui-même réputé pour ses amitiés néonazies et agit en conséquence ouvertement pour le compte du NPD.
Le parti d'extrême-droite a souhaité acheter cet hôtel pour le transformer en "rechtes Schulungszentrum", ou plus directement, en "Nazischule", un centre d'éducation et de formation pour ses sympathisants. Rieger en a proposé très vite 2,5 millions d'euros. Une belle opération pour le propriétaire, Günter Mergel, dont les locaux ont été estimés à 1,33 millons.
La population de Delmenhorst s'est mobilisée, le conseil municipal a suivi. Une grande initiative citoyenne a permis de réunir une somme de 900.000 euros. La Ville a accepté de financer la différence et a proposé 2,5 millions au propriétaire. Las, le NPD en a offert 3. Pour Rieger, 3 millions d'euros néonazis restent toujours plus que 2,5 millions d'euros. De bonne guerre.
Un habile montage financier en partenariat avec le Land garantissant un crédit de 500.000 euros a permis à la mairie de Delmenhorst d'emporter le morceau en offrant 3 millions à son tour. Günter Mergel a accepté malgré une dernière proposition des extrémistes à... 3,4 millions.
L'affaire a été conclue lors du conseil municipal de jeudi soir dernier. L'école des Nazis ne verra pas le jour à Delmenhorst.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Et si au lieu de dépenser cet argent à racheter un hôtel, ils avaient simplement demandé au SPD de se souvenir qu'il existe des ouvriers et des employés, à l'Est comme à l'Ouest, dont les conditions de vie se sont sévèrement dégradées ces derniers années ? Ce n'est pas en empêchant ses salops de pauvres d'aller à la nazischule qu'on va en faire de dociles lecteurs de BHL. Gute nacht.