"Malgré les grands progrés que je fais en allemand, il est clair que j'y suis venu trop tard, et que je ne parlerai jamais cette langue comme le français. Je ne le regrette pas trop". Michel Tournier, "Le Roi des Aulnes".

20 avril 2007

L'affaire Oettinger

Si l'Allemagne s'intéresse naturellement au scrutin de dimanche prochain chez son voisin d'outre-Rhin, la presse nationale est surtout accaparée par l'affaire Oettinger, du nom du Ministre-Président de Bade-Württemberg.


Au centre de la polémique, l'hommage funèbre rendu par le numéro 1 de ce Land de l'Allemagne du Sud (Stuttgart, Freiburg, Baden Baden) à son prédecesseur, Hans Filbinger, dont les funérailles ont eu lieu il y a une semaine. De très virulentes critiques se sont élevées tout au long de la semaine contre les propos tenus par Oettinger en hommage à Filbinger. Oettinger a même été contraint de se fendre d'une lettre ouverte, publié dans la FAZ lundi dernier. Le Ministre-Président (CDU) y regrette les malentendus suscités.

De quels Missverständnisse parle-t-il ? D'avoir voulu relativiser l'engagement national-socialiste de son prédecesseur: „Ein solcher Eindruck war von mir in keiner Weise gewollt. Soweit Missverständnisse in dieser Hinsicht entstanden sind, bedauere ich dies ausdrücklich“

Filbinger est devenu Ministre-Président de Bade-Württemberg en 1966 avant d'être contraint à la démission en 1978 lorsque son passé nazi a resurgi. En sa qualité de juge militaire dans la marine, Filbinger a participé à plus de 180 sentences condamnant à mort des déserteurs jusqu'à la toute fin de la seconde guerre mondiale.

Mercredi dernier, Oettinger a cru malgré tout évoqué cette partie de la vie de Filbinger en expliquant que celui-ci n'avait pas été un national-socialiste mais au contraire un opposant au régime nazi (er sei „kein Nationalsozialist“ gewesen, sondern „ein Gegner des NS-Regimes“).

L'affaire a fait grand bruit, jusqu'à la Chancelerie où Oettinger n'a pas nécessairement que des amis. Il est vrai qu'à la fin des années 90, il avait traité Merkel de "fremdkörper", de corps étranger, à la CDU... L'univers machiste de la l'Union Chrétienne démocrate de la fin de l'ère Kohl s'accommodait alors assez mal de l'arrivée d'une politicienne venue de l'Est.

Les appels à la démission se sont multipliés toute la semaine, même si l'affaire semble se tasser en ce début de week-end. Il est difficile de penser que Oettinger ait pu prononcer de tels propos sans se douter du tollé qu'ils provoqueraient. Il a reconnu que l'hommage funèbre se devait de présenter les épisodes difficiles d'une vie de manière plus ou moins avantageuses pour le défunt et surtout pour sa famille. Reste que sa position de Ministre-Président ne lui permettait nullement de réécrire l'Histoire. Et les réactions de cette semaine ont démontré combien ce passé est encore brûlant.

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