"Malgré les grands progrés que je fais en allemand, il est clair que j'y suis venu trop tard, et que je ne parlerai jamais cette langue comme le français. Je ne le regrette pas trop". Michel Tournier, "Le Roi des Aulnes".

26 avril 2007

Quel bel homme, ce Monsieur Besson !

Enorme, la rencontre d'un ancien homme de gauche avec une salle de droite. Il faut écouter Besson devant la salle de l'Ump à Dijon, lundi dernier: "ne les sifflez pas - dit-il en substance au sujet des militants socialistes - ils ne le méritent pas". Il est devenu fou, Besson, ça doit être l'effet sarko.

Il est préférable de se replonger dans le magnifique ouvrage de Michel Tournier, le Roi des aulnes, dont sont extraites les lignes suivantes:
"A l'opposé de la France, terre océanique, noyée de brumes, et aux lignes gommées par d'infinis dégradés, l'Allemagne continentale, plus dure et plus rudimentaire, était le pays du dessin appuyé, simplifié, stylisé, facilement lu et retenu. En France, tout se perdrait en impressions, en gestes vagues, en totalités inachevées, dans des ciels brouillés, dans des infinis de tendresse. Le Français avait horreur de la fonction, de l'uniforme, de la place étroitement définie dans un organisme ou une hiérarchie. Le facteur français tenait à rappeler toujours par un certain débraillé qu'il était aussi père de famille, électeur, joueur de pétanque. Au lieu que le facteur allemand, engoncé dans son bel uniforme, coïncidait sans bavure avec son personnage. Et de même la ménagère allemande, l'écolier allemand, le ramoneur allemand, l'homme d'affaires allemand étaient plus ménagère, plus écolier, plus ramoneur, plus homme d'affaires que leurs homologues français"

22 avril 2007

François Bayrou au second tour

Soirée électorale endiablée. Arlette Chabot parle le grec et s'est teinte en blonde. A l'annonce des premières estimations à 20h00, Ségolène Royal est en pôle avec 23%, Nicolas Sarkozy ne passera pas le 1er tour. Le troisième homme est devenu le deuxième et François Bayrou surgit pour fêter son magnifique score:

21 avril 2007

Un effort s'il vous plaît

Il faut penser à Lionel Jospin aujourd'hui. Comment vit-il ce week-end, 5 ans après après son élimination du 1er tour de la présidentielle. Je suis d'ailleurs surpris que si peu d'allemands se souviennent de la présence de Le Pen au deuxième tour.

La lecture de l'édito de Joffrin dans le Libé de samedi est rassurante. "La bravitude ça n'existe pas, la solitude oui". C'es vrai qu'elle est seule Ségolène Royal. Réformera-t-elle la gauche contre elle-même ou n'est ce qu'une posture ? La question semble être là. Et comme il faut bien choisir, faisons lui confiance.

20 avril 2007

L'affaire Oettinger

Si l'Allemagne s'intéresse naturellement au scrutin de dimanche prochain chez son voisin d'outre-Rhin, la presse nationale est surtout accaparée par l'affaire Oettinger, du nom du Ministre-Président de Bade-Württemberg.


Au centre de la polémique, l'hommage funèbre rendu par le numéro 1 de ce Land de l'Allemagne du Sud (Stuttgart, Freiburg, Baden Baden) à son prédecesseur, Hans Filbinger, dont les funérailles ont eu lieu il y a une semaine. De très virulentes critiques se sont élevées tout au long de la semaine contre les propos tenus par Oettinger en hommage à Filbinger. Oettinger a même été contraint de se fendre d'une lettre ouverte, publié dans la FAZ lundi dernier. Le Ministre-Président (CDU) y regrette les malentendus suscités.

De quels Missverständnisse parle-t-il ? D'avoir voulu relativiser l'engagement national-socialiste de son prédecesseur: „Ein solcher Eindruck war von mir in keiner Weise gewollt. Soweit Missverständnisse in dieser Hinsicht entstanden sind, bedauere ich dies ausdrücklich“

Filbinger est devenu Ministre-Président de Bade-Württemberg en 1966 avant d'être contraint à la démission en 1978 lorsque son passé nazi a resurgi. En sa qualité de juge militaire dans la marine, Filbinger a participé à plus de 180 sentences condamnant à mort des déserteurs jusqu'à la toute fin de la seconde guerre mondiale.

Mercredi dernier, Oettinger a cru malgré tout évoqué cette partie de la vie de Filbinger en expliquant que celui-ci n'avait pas été un national-socialiste mais au contraire un opposant au régime nazi (er sei „kein Nationalsozialist“ gewesen, sondern „ein Gegner des NS-Regimes“).

L'affaire a fait grand bruit, jusqu'à la Chancelerie où Oettinger n'a pas nécessairement que des amis. Il est vrai qu'à la fin des années 90, il avait traité Merkel de "fremdkörper", de corps étranger, à la CDU... L'univers machiste de la l'Union Chrétienne démocrate de la fin de l'ère Kohl s'accommodait alors assez mal de l'arrivée d'une politicienne venue de l'Est.

Les appels à la démission se sont multipliés toute la semaine, même si l'affaire semble se tasser en ce début de week-end. Il est difficile de penser que Oettinger ait pu prononcer de tels propos sans se douter du tollé qu'ils provoqueraient. Il a reconnu que l'hommage funèbre se devait de présenter les épisodes difficiles d'une vie de manière plus ou moins avantageuses pour le défunt et surtout pour sa famille. Reste que sa position de Ministre-Président ne lui permettait nullement de réécrire l'Histoire. Et les réactions de cette semaine ont démontré combien ce passé est encore brûlant.

16 avril 2007

"Racaille politicienne"

Chers amis démocrate, je ne voudrais pas jouer les zoiseaux de mauvais zaugures, mais j'ai comme l'impression que la campagne présidentielle est en train de déraper et que personne ne semble réagir. A lire, hors des frontières, les déclarations des sieurs Sarkozy et Le Pen et à voir leur petit manège, on prend peur. Et à gauche ? on parle Rocard, Kouchner, Bayrou. Les enfants, faut réagir.

13 avril 2007

Margot au Chili

12h30. Il est l'heure de décompresser et de s'envoyer un ou deux brötchen dans la salle de conférence qui sert accessoirement de salle à manger une heure par jour. La pause sera courte. Le plat du jour + dessert + 1/4 de St Véran de mes midis bourguignons est déjà loin.


J'empoigne le Rheinische Post, Bien Public local avec du texte et des articles. On ne parle pas de la campagne électorale en France sauf pour évoquer les colleurs d´affiche de Le Pen devant les juges (Ah bon ?). On ne parle pas non plus des propos de Sarkozy sur son éclairante distinction entre les peuples qui commettent des génocides et les autres. Il est pourtant question de l'holocauste dans ce journal avec la visite d´une délégation d'évangélistes allemands en Israel. Leur chef n'a d'ailleurs pas eu peur d'affirmer que les catholiques supportaient une part de responsabilité dans la Shoah.


Une position semble-t-il partagée par la direciton du mémorial de Yad Vashem à Jérusalem, dont la journée de recueillement sera boycottée la semaine prochaine par le représentant diplomatique du Vatican en Israel. L'Eglise catholique, nous explique le Rheinische Post, estime que le musée de Yad Vashem présente Pie XII sous un mauvais visage.


Pour terminer par une note plus gaie, j'avais pensé évoquer la campagne de publicité mettant en scène Kylie Minogue et les nouvelles tenues de bains H & M.




Je me suis fort heureusement rappelé que l'intérêt de mes lecteurs étaient principalement tournés vers les relations franco-allemandes. Or, force est de reconnaître que ni H&M, ni Minogue ni le photographe ne sont français ou allemand.
Je me contenterai donc de vous narrer la brève lue - toujours - dans le journal du jour. Il est question de Margot Honecker, laquelle fêtera ses 80 printemps mardi prochain. La veuve d'Erich Honecker, dernier (ou presque) dirigeant de RDA, continue de couler des jours paisibles de retraitée allemande... au Chili.
L'article mentionne élégamment que Mme Honecker perçoit toujours sa retraite de 1.500 € en sa qualité d'ancienne fonctionnaire de l'Etat est-allemand. L'article ne mentionne pas les milliers de dossiers en souffrance des ex-citoyens est-allemands qui eux ne peuvent percevoir une retraite complète, faute de droits à la retraite acquis sous la RDA. Les interdictions de travail étaient courant sous Honecker et conduisaient à une mort civile à petit feu. Finalement, on aurait dû terminer par H&M.

01 avril 2007

Maître Pierre

De retour avant hier d'une mission fort délicate (double vaccinations chez la pédiatre), je décidai de m'arrêter auprès d'une petite Bäckerei repérée lors d'une précédente visite. La Bäckerei (prononcez Bäcker comme le Becker de Boris et le "ei" final comme de l'ail, respirez entre les deux syllabe, vous parlez allemand : Bäcker'ei) est sensée remplacer la boulangerie outre-Rhin.

Beau challenge qui ne peut conduire le visiteur français de passage qu'à un long moment d'hésitation et de gêne masquant une profonde déception intérieure : Mais merde alors, une baguette, c'est quand même pas sorcier à faire. C'est à moi ? Oui, alors je prendrai bien un peu de ce schwarzes saftiges vollkornbrot. Danke.

Ce genre d'avanie est naturellement réservé aux seuls étrangers sans culture germanique. Voilà bien longtemps que je m'en suis prémunis en dressant une liste noire des Bäckereien suspectes du quartier.

Vendredi dernier, donc, je pénètre dans cette Bäckerei déjà visitée près de l'Aachenplatz. Je m'étais décidé devant la vitrine pour une französische Baguette. Nostalgie. Arrivé au comptoir, deux clients s'affairent devant moi, m'offrant le temps nécessaire pour me permettre de jeter un coup d'oeil sur les rayonnages et de changer d'avis: une miche aux allures payasannes ma foi fort dodue et appétissante qui se mariera parfaitement avec une tranche de jambon cru et un verre de vin rouge. Le nom de cet oeuvre culinaire me conforte dans mon choix: Maïtre Pierre.

C'est à moi. Le "Was kann ich für Sie tun" vient de fuser de l'autre côté du comptoir, que je n'ai pas encore eu tout à fait le temps de m'essayer à prononcer Maître Pierre à l'allemande. La boulangère me fixe. Des clients piétinent derrière moi. Une seconde d'hésitation. Et puis merde, c'est du français, je le dis à la française. Je me lance, un peu hésitant: "Ein Maître Pierre, bitteuh".

J'ai très vite senti que la boulangère n'était pas du genre à s'amuser des accents chantants de ses clients étrangers. Dans une moue alliant dégoût et agacement, elle me demande assez sêchement de reformuler mon souhait dans un allemand compréhensible.

Je ne désarme pas et lance un magistral: "Ein Mah-i-treu Pi-erreu".

Le désarroi se lit désormais sur le visage de mon interlocutrice. Elle cherche du regard une collègue et prend à témoin les clients qui s'impatientent derrière moi pour leur signifier que faire son service dans des conditions pareilles n'est décidément plus possible.

Une vague gêne m'envahit et me brûle désormais les tempes. Pourquoi n'ai-je pas pris cette foutue baguette. Reste pour moi l'impensable mais irremplaçable attitude à adopter dans ces cas de nécessité: je pointe du doigt l'objet convoité comme un gamin de 6 ans qui attend sa glace depuis plus d'une heure.

Bientôt un an et demi que je suis en Allemagne et pas moyen de se faire servir un pain correctement dans une boulangerie. Il est midi passé et je songe furtivement à quitter de manière définitive ce pays.